Méthanisation domestique : zoom sur les principes de fonctionnement

Présent en France depuis de nombreuses années, le procédé de méthanisation gagne aujourd’hui de plus en plus la sphère domestique : les usines et les agriculteurs ne sont plus les seuls à pouvoir produire leur biogaz, n’importe quelle famille lambda peut elle aussi le faire ! Il est en effet désormais possible d’acquérir de petites unités de méthanisation domestique, parfois appelées digesteurs individuels ou micro-méthaniseurs.

Comment ces systèmes de méthanisation domestique fonctionnent-ils ? Et d’ailleurs, qu’est-ce que la méthanisation ? Quels sont les différents types de digesteurs existants ? Greenwatt fait le point sur tout ceci !

Qu’est-ce que la méthanisation ?

Avant d’analyser plus en détails le fonctionnement d’une méthaniseur domestique, il faut déjà bien comprendre ce qu’est la méthanisation, ce procédé biologique naturel qui permet de produire du biogaz. Pour en apprendre plus sur ce composé – également nommé gaz vert ou gaz renouvelable – nous vous conseillons de lire notre dossier traitant du fonctionnement du biogaz.

Méthanisation : principe de fonctionnement

La méthanisation est un procédé qui permet de créer du biogaz dans un milieu sans oxygène, grâce à la décomposition de matières putrescibles (qui peuvent pourrir) effectuée par des bactéries. On parle alors de digestion ou defermentation anaérobie.

Étymologie d’anaérobie :

  • préfixe privatif « an- », du grec ancien ἀν- ;
  • préfixe « aéro- », du grec ancien ἀήρ, l’air ;
  • suffixe « -bie », du grec ancien βίος, la vie.

Anaérobie signifie donc « qui peut se développer ou s’effectuer en absence totale d’air ou d’oxygène », par opposition à « aérobie ».

Sources : Littré et CNRTL

Déchets

Plusieurs types de déchets, liquides comme solides, peuvent être utilisés lors d’une fermentation anaérobie :

  • effluents (eaux usées)
    • de l’industrie agro-alimentaire
    • d’élevage (on parle alors de lisiers, lorsque l’eau est mélangée à des excréments d’animaux)
    • des ères urbaines
    • des boues d’épuration
  • déchets solides
    • agricoles (végétaux, excréments d’animaux…)
    • industriels
    • municipaux (déchets verts, emballages…)

Processus

Tous ces déchets sont stockés dans une cuve, le fameux méthaniseur ou digesteur, qui est vide de tout oxygène, mais possède en revanche un certain nombre de bactéries anaérobies. Plusieurs réactions biologiques se produisent alors :

1- L’hydrolyse

Durant cette étape, les liaisons covalentes des molécules complexes sont rompues, afin d’en faire des molécules plus simples : les protéines et les polysaccharides deviennent par exemple des acides gras et des acides aminés.

2- L’acidogenèse

Les composés résultants de l’hydrolyse sont transformés en alcools, acides organiques, hydrogène et dioxyde de carbone.

3- L’acétogenèse

De l’acétate est fabriqué à partir des composés de l’étape d’acidogenèse.

4- La méthanogenèse

Grâce à l’acétate, l’hydrogène et le dioxyde de carbone produits, les bactéries présentes dans la cuve vont permettre la création de méthane.

Schéma explication étapes méthanisation
Source schéma : Naskeo Environnement

Produits

Une fois finie, la méthanisation permet d’obtenir un biogaz, composé principalement de méthane (entre 50 et 70 %) et de dioxyde de carbone (entre 30 et 50 %), et un digestat, une sorte de résidu qui sert de compost.

Le biogaz, une fois épuré, peut être utilisé pour produire de la chaleur, de l’électricité, du carburant pour véhicule ou être injecté dans le réseau de gaz naturel (en découvrir plus à ce sujet). Le digestat est quant à lui utilisé comme un fertilisant.

Avantages et inconvénients de la méthanisation

La méthanisation permet un traitement efficace des déchets organiques, tout en contribuant à diminuer l’émission des gaz à effet de serre, puisque l’énergie produite est 100% renouvelable.

Toutefois, ce processus nécessite des installations volumineuses, qu’il est impératif de bien entretenir. Les déchets doivent être triés, tandis que le biogaz et le digestat sont à épurer, transporter et stocker. Cela demande donc des moyens matériels, financiers et humains conséquents.

Schéma méthanisation actu.fr
Source : actu.fr

Qu’est-ce que la méthanisation domestique ?

De nombreuses personnes effectuent déjà chez elles un processus de transformation aérobie, sans parfois en avoir conscience… en effet, le compostage, très courant chez les familles possédant un jardin, n’est autre que la fermentation de déchets organiques dans un milieu oxygéné.

En fin de compte, la méthanisation reprend à peu de choses près ce principe, mais dans un milieu sans oxygène. Dès lors, pourquoi ne pas s’équiper de micro-méthaniseur chez soi ? C’est justement là tout le principe de la méthanisation domestique.

Fonctionnement

Depuis plusieurs années, de nombreuses entreprises développent peu à peu des systèmes visant à proposer aux ménages des solutions de valorisation des déchets, grâce au procédé de méthanisation.

Rendement

Il faut savoir qu’un Français jette en moyenne 391 kg de déchets par an, dont 152 kg de déchets organiques (restes d’aliments, épluchures…), une quantité de déchets qui pourrait produire environ 200 m3 de méthane.

Or 1 m3 de méthane peut créer une énergie électrique de 6 kWh, ce qui ferait 1200 kWh d’électricité créée grâce aux déchets d’une personne, en un an.

Avec un méthaniseur domestique, une famille de 4 personnes peut ainsi espérer produire 4800 kWh d’énergie électrique par an, à utiliser par exemple pour le chauffe-eau ou une cuisinière à gaz. Un micro-méthaniseur fonctionne sur le même principe qu’un digesteur classique, mais en format réduit.

L’achat d’un système de méthanisation domestique peut donc se révéler être un bon moyen, pour les particuliers, de réduire leur impact écologique tout en réalisant quelques économies !

Coût

Cependant, la méthanisation domestique a un certain prix : une unité de méthanisation avec panneaux solaires peut ainsi coûter jusqu’à 20 000 €, ce qui en fait un investissement rentable sur le long terme. On peut toutefois obtenir avec un tel achat un crédit d’impôts de 5 000 €.

Cependant, quelques start-ups proposent également à la vente de plus petits formats de méthaniseurs, qui servent uniquement à produire du gaz pour la cuisson des aliments, mais qui ne coûtent « que » 600 ou 700 € : la preuve que le marché se développe peu à peu et n’a pas fini d’évoluer !

Contraintes

L’installation d’un tel système n’est en revanche pas nécessairement possible partout : un gros méthaniseur domestique nécessite au moins 4 ou 5 m2 de terrain pour son installation. Il faut également savoir que ce genre de système est à alimenter quotidiennement, et en quantité suffisante, faute de quoi les bactéries viennent à mourir. Enfin, la température extérieure et la nature des déchets mis à fermenter influencent fortement le rendement d’un système de méthanisation. On peut donc difficilement prévoir quel en sera le rendement exact.

Voilà pourquoi les grosses unités de méthanisation domestique sont sans doute plus utiles dans un éco-quartier ou utilisées par des professionnels de la restauration, tandis que les solutions plus flexibles et petites conviendront mieux dans un cadre familial.

Gazinière gaz cuisine

Méthanisation domestique : ce que dit la loi

La conquête du secteur de la méthanisation domestique par les industriels est encore récente, si bien que la réglementation n’a pas encore eu le temps de suivre.

Pourtant, la loi du 17 août 2015 a modifié la réglementation relative à la valorisation des déchets verts, qui indique désormais :

Article légifrance
Source : Légifrance

Le tri à la source des déchets va donc se généraliser d’ici quelques années : nul doute que le procédé de méthanisation risque de rencontrer un plus vif succès encore.

Si l’installation d’unités de méthanisation dans le secteur agricole et industriel est bel et bien soumise à une réglementation précise et nécessite de longues étapes de préparation de projet (voir ce pdf de l’ADEME sur les unités de méthanisation à la ferme), la réglementation semble plus floue en ce qui concerne la méthanisation domestique.

D’après le journal La Tribune, une installation de méthanisation domestique nécessite une autorisation ICPE (Installation Classée pour la Protection de l’Environnement). Tandis que selon la revue en ligne We demain : « Si seuls des déchets végétaux sont recyclés, une autorisation demandée en préfecture suffit. Mais si d’autres matières sont ajoutées (déchets de viande, déjections…), l’installation est considérée comme une usine de traitement de déchets », ce qui impliquerait de demander une procédure d’enregistrement qui « coûte alors 10 000 euros ! ».

Il est donc préférable, lorsque l’on souhaite installer un micro-méthaniseur chez soi, de se renseigner auprès d’un organisme officiel en ce qui concerne la réglementation en vigueur.

Exemples d’unités de méthanisation domestique

Il existe de nombreux types de digesteurs domestiques sur le marché mondial, mais l’on remarque vite que, si l’on se penche sur le sujet, deux d’entre eux reviennent assez souvent dans la presse française : le système Méthatec de la société française SCTD Industries et HomeBiogas, proposé par la start-up israélienne du même nom.

Méthatec

Méthatec machine
Source : SCTD Industries

Ce dispositif se présente sous la forme de deux gros cylindres :

  • le premier recueille les déchets à fermenter et comporte un entonnoir, un broyeur et une vanne de vidange ;
  • le second contient le méthane ainsi produit et est relié à un groupe électrogène (de 55 kg).

Le méthaniseur est censé alimenter en continu ce groupe électrogène automatique de 1,2 – 1,8 Kw. Pesant une quarantaine de kg et haut de 1,5 m, le digesteur est facilement transportable et installable par deux personnes. Les cuves de stockage sont traitées contre la corrosion et bien hermétiques : ni le gaz, ni les mauvaises odeurs ne peuvent donc s’en échapper.

Il faut cependant savoir que ce genre de système est plus efficace dans les zones chaudes ou placé sous un abri de jardin. Dans l’idéal, il faudrait alimenter une telle installation avec 500 g de déchets organiques par jour pour garantir son bon fonctionnement, même s’il est ardu de prévoir quelle quantité d’énergie pourra être quotidiennement produite. Celle-ci dépendra en effet de la chaleur environnante et de la nature des déchets utilisés.

HomeBiogas

Publicité de l'entreprise HomeBiogas pour son méthaniseur domestique
Source : HomeBiogas

Le grand groupe industriel Engie a annoncé, en juillet 2018, financer à hauteur de 13% HomeBiogas, une start-up fondée en 2012 qui a mis au point un mini digesteur.

Au contraire de Méthatec, celui-ci n’est pas relié à un groupe électrogène et ne produit pas d’électricité. En revanche, il peut faire fonctionner une gazinière spéciale, fournie par l’entreprise lors de l’achat d’un digesteur : avec 2 kg de déchets, on peut ainsi alimenter cette gazinière durant 2 heures ! HomeBiogas produit également un engrais liquide, qu’il est possible d’utiliser au jardin.

Le principal atout de ce système n’est autre que son prix : un peu moins de 600 €. Il apparait donc comme une bonne solution pour les familles désireuses de réduire leur proportion de déchets de manière utile. En revanche, France Inter rapportait en mai 2018 que ce dispositif n’avait pas encore été testé par les spécialistes de l’ADEME, qui « mettent en garde sur d’éventuelles fuites, le méthane est en effet un puissant gaz à effet de serre », mais qui « reconnaissent que ce système peut être intéressant pour les maisons isolées ».

En somme, en matière de système de méthanisation domestique, il reste encore un long chemin à parcourir en France, autant en matière de réglementation que d’information !

Sources : connaissancesdesenergies.org ; Ademe ; lenergeek

Auteur : Joshua B.